L'an 2322

L’an 2322 – La génétique constructive

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L’an 2322

 

La génétique constructive

On peut considérer la génétique constructive – plus que la médecine organique ou cybernétique, plus encore que la cybernétique cérébrale – comme une atteinte directe au concept de nature humaine.

La nature est un paradigme puissant qui a le pouvoir d’organiser les concepts du monde de la vie. La nature n’a pas besoin de justification, elle ne peut donc être ni moralement mauvaise ni techniquement mauvaise . Au Moyen Âge, la forêt était avant tout obscure et le corps humain n’était pas une merveille de la nature, mais une chair sensible aux insinuations sataniques.

Avec le recul de Dieu vint l’ascension de la nature : comme une immanence insondable, qui dévoile timidement quelques secrets au chercheur, mais qui est surtout infiniment plus que ce qu’elle montre d’elle-même.

Dans cette perspective, la nature humaine n’est pas seulement la volonté de l’homme de voir les limites qui lui sont données, mais pas même d’y penser. Mais cela ne fonctionne pas toujours. ? Acceptez-vous comme vous êtes ? est une sorte d’impératif thérapeutique qui nous accompagne tout au long de notre vie, tout comme son pendant pédagogique : ” Il faut travailler sur soi ! ?. La nature contre la technologie, la persistance pacifique contre l’agitation du progrès.”

Sous la loi de la génétique constructive, le façonneur (l’homme) et ce qui doit être façonné (l’homme) sont si proches l’un de l’autre qu’on a l’impression d’être proche d’un court-circuit. L’homme est désormais totalement responsable de ce qu’il fait de lui-même.

Votre enfant n’est pas doué ? Vous êtes à blâmer ! Votre enfant n’est pas beau à regarder, gros ? Vous êtes à blâmer ! Vous auriez pu mettre de meilleurs gènes dans votre progéniture ! Maintenant, l’enfant doit lutter à travers la vie comme une incarnation d’opportunités réduites.

Il y a eu pendant longtemps une moralisation agaçante, une tapisserie interminable de débats. Beaucoup se souviennent de l’époque qui a précédé la Chute, lorsque l’homme a commencé à tailler son héritage. Ils réalisent avec regret à quel point l’insouciance peut rendre heureux.
Mais le train continue d’avancer.

Il faut aussi noter que les débats moralisateurs ont entre temps perdu un peu de leur force. Une vaste libéralisation a eu lieu. Cela ne s’est pas produit parce qu’un consensus a été atteint, mais les groupes individuels de personnes sont devenus si isolés les uns des autres que les conflits entre eux ne valent plus la peine.

Ils existent toujours, les gens naturels. Dans la plupart des cas, ils ne travaillent pas, cherchant des moyens alternatifs pour trouver un sens et une dignité dans une situation de vie dans laquelle ils sont pris en charge a priori et aucune tâche n’est reconnaissable. Parmi les personnes naturelles, il y a des artistes, des maîtres de la vie, même quelques scientifiques.

À ce stade, le groupe qui se trouve à l’autre bout de l’échelle, le plus progressiste en termes de volonté de s’engager dans le génie génétique, devrait être abordé. Les changements ne se produisent pas du jour au lendemain, pas tous d’un coup, mais se poursuivent de génération en génération. Cette technique existe maintenant depuis 200 ans, et sa portée et son impact n’ont cessé de s’étendre.

Il y a donc une couche de personnes – peut-être pas très nombreuses – qui incarnent déjà une longue tradition de génétique constructive et pour qui de telles interventions sont quelque chose de si naturel qu’elles sont prêtes à expérimenter en quelque sorte, une attitude créative insouciante envers le Jour qui secoue les contemporains les plus conservateurs.

Néanmoins, au sommet de la variabilité, on commence à penser à la possibilité de quitter l’espèce à un moment donné et à ce que la cohérence de l’espèce suivante soit assurée sur le chemin de “l’hyperhumanité.

Ces nuances résonnent déjà, mais ne commenceront à jouer un rôle plus important qu’au cours des siècles suivants. Vers 2300 on essaie surtout de produire des gens qualitativement meilleurs. Il s’agit des concepts classiques : intelligence, compétences linguistiques, talents musicaux, mais aussi athlétisme et caractéristiques extérieures comme la beauté. Les relations génétiques ici ont maintenant été bien étudiées.

Comme nous le comprenons, les génies sont également produits sur une chaîne de montage. Mais il y a aussi des gradations ici. Et nul besoin de se cantonner à la recombinaison de gènes déjà connus. La recherche fournit de nouveaux blocs de construction qui promettent une augmentation du potentiel. Il se peut que l’on ait l’idée d’implémenter plus de masse cérébrale afin d’augmenter les possibilités du cortex cérébral.

Il se peut qu’une tranche de grosses têtes peuple le monde, il se peut que des changements anatomiques et physiologiques commencent à se mettre en place.

À quoi voudriez-vous ressembler si vous aviez une totale liberté de choix ? La plupart répondraient : à quoi je ressemble, juste un peu plus mince, un peu plus lisse à la peau, un peu aux yeux bleus et ainsi de suite. Les progressistes considèrent cette modestie comme l’expression d’un manque de puissance intellectuelle. Ils discutent d’idées sur la façon dont les gens peuvent se façonner lorsqu’ils ne se sentent plus liés au caractère aléatoire de leur nature.

Le tournant du siècle, comme le précédent, assombrit son avenir. Dans cette auto-évolution de plus en plus nerveuse, on peut voir une rébellion peut-être définitive de l’intelligence primaire contre l’intelligence secondaire. L’homme prend en main les mécanismes de la nature et les pousse à l’extrême, advienne que pourra !

 

FIN…

 

 

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