Auteur des titres “Demain, il fera beau” ; ” Melancolia” ; “Fiston” ; “Lettre à ma génération” et encore bien d’autres, il est connu sous le nom de Kaporal Wisdom. Son vrai nom à l’état civil est Kounkey Ekue Hola Wisdom.
Passionné de la musique, de la culture et de l’art, Kaporal Wisdom n’est plus à présenter. Artiste slameur, il porte également plusieurs cordes à son arc à l’instar d’animateur télé et d’entrepreneur culturel. Une interview réalisée avec l’artiste nous a permis de mettre les projecteurs sur sa personnalité.
Nous vous invitons à découvrir Kaporal Wisdom à travers cet article qui retrace son parcours
De nationalité togolaise, il est originaire de la préfecture des Lacs, préfecture située au sud du Togo. Comme lui-même, il le dit : “que je sois du sud, du nord, de l’est ou de l’ouest, je suis togolais. Peu importe l’endroit où je me retrouve au Togo, je me sens comme chez moi”.
Quand Kaporal Wisdom parle de chez moi, il fait allusion à son village d’origine Gounoukopé, où il a passé toute son enfance. Il a vécu la plus grande partie de son enfance aux côtés de sa grande mère. Ce n’est qu’en classe de CM2, que Kaporal Wisdom fit la connaissance de son papa. Celui-ci a été absent pendant plusieurs années parce qu’il poursuivait ses études ailleurs.
Quant à sa mère, elle partait souvent très tôt au marché et elle rentrait tard. Bref ! Il faut dire que Kaporal n’a pas eu une enfance stable.
“Je n’ai pas vécu longtemps avec mes parents durant mon enfance. C’est ce qui justifie le fait que j’ai reçu une éducation militaire (rire). J’ai reçu plusieurs sortes d’éducation, qui m’ont permis d’être ce que je suis aujourd’hui”.
Kaporal Wisdom est l’ainé d’une fratrie de trois garçons et de trois filles. Le plus âgé de ses deux frères poursuit actuellement ses études universitaires et l’une de ses sœurs vient de boucler ses années d’apprentissage. Le reste de ses sœurs sont toujours sur les bancs d’étude.
En ce qui concerne l’artiste, il a fait ses études primaires, du CP1 au CM1 à l’EPP Abatékopé et la classe de CM2 à l’école privée ISMABI, où il obtint son CEPD. Pour la petite histoire, l’école ISMABI est l’école qui a servi de lieu de tournage du clip « Teacher » du célèbre artiste togolais King Mensah en collaboration avec d’autres artistes du 228.
Après ses études primaires, il continua au collège Tokoin Centre, pour obtenir son BEPC. Il finit ses études secondaires à l’école Marteau à Kpémé, où il a obtenu successivement son probatoire et son baccalauréat. Ensuite, il a débuté la première année de ses études supérieures à l’Ecole Supérieure d’Agronomie de l’Université de Lomé.
Le campus étant ce qu’il est, il nous a montré d’autres réalités de la vie. Ce n’est pas parce que tu es meilleur dans ton lycée que forcément lorsque tu arrives au campus, tu pourras t’en sortir. Il a fallu avoir des moyens pour poursuivre les études, ce qui devenait un peu plus compliqué. J’ai dû me réorienter vers la linguistique.
En effet, Kaporal Wisdom a passé trois années en linguistique après sa réorientation.
La vie n’étant pas facile, il fallait que notre très cher Kaporal Wisdom commence par se chercher. C’est donc comme cela qu’il a commencé par travailler au festival des glaces. Comme Yéhowabévi est un grand bosseur, il enchaina des formations en administration culturelle, pendant qu’il travaillait encore au festival des glaces. Après cela, il fit quelques stages avant de devenir employé à l’Université de Lomé.
Kaporal Wisdom a réellement découvert sa passion pour la musique lorsqu’il était avec ses parents
Disons qu’il l’a hérité de ses parents. Sa mère faisait partie de groupes folkloriques à l’époque, du coup, elle chantait très souvent dans la journée. C’était pareil avec son père, qui lui aussi chantait très habituellement lorsqu’ils étaient ensemble au chantier.
C’est justement à ce moment de sa vie, qu’une connexion s’est établie entre lui et la musique. Kaporal Wisdom lance sa carrière d’artiste en 2004 en tant que danseur Break Danse. Il fut membre de quelques groupes de Break Danse de l’époque à l’instar des groupes Wu than klan, Danses star, Style de ouf et le groupe Air force one qui regroupait les anciens danseurs du feu Omar B (Rip l’artiste).
Tout allait bien jusqu’à ce que la majeure partie du groupe ne connaisse un échec scolaire en classe de 1ère. Ce fut un gros coup pour le groupe. L’idéal pour eux, à cette époque, était de dissoudre le groupe pour mieux se consacrer à leurs études. Comme on le dit souvent : quand on tombe, il faut toujours se relever. Kaporal Wisdom avait donc compris qu’il fallait vraiment prendre les choses au sérieux.
Son seul souhait à ce moment était de valider rapidement ses études secondaires pour revenir à Lomé, puisqu’il a dû revenir à Kpémé après son échec au probatoire.
“Arrivé à Kpémé, j’avais un désir ardent de vite retourner à Lomé parce que j’y avais laissé beaucoup de choses. J’avais entamé aussi une relation à l’époque avec celle qui est devenue aujourd’hui mon épouse. Tout ceci constituait une source de motivation pour moi. Du coup, je n’avais plus le temps de m’amuser. Les moments de distraction étaient mis à profit pour étudier.”
Comme tout élève qui souhaite la réussite, Kaporal Wisdom s’est mis à étudier sérieusement.
Je me suis mis à réviser mes cours en de petits textes slam. C’est là que tout a commencé. Lorsque je finissais de les résumer, j’essayais de les mémoriser en les rapant rapidement. C’était une époque où des artistes comme Eminem, M. Kourones étaient en vogue avec ce style de Rap rapide.
Il faut que dire que notre artiste ait été bercé durant son adolescence par un style musical assez particulier : le Rap. Pendant que Kaporal Wisdom s’essayait toujours, sa mère lui fit une remarque qui va impacter sa manière de chanter.
Un jour, maman m’a demandé : quelles étaient mes ambitions ? Est-ce que tu fais des textes pour que personne ne t’écoute ou bien, tu souhaites réellement passer un message ? Si c’est le cas, tu dois songer à aller moins vite quand tu chantes pour transmettre ton message. À la suite de cette remarque pertinente que ma mère m’a faite, j’ai commencé par ralentir lorsque je rappais afin de me faire écouter facilement.
Dès son retour à Lomé en 2010, Kaporal Wisdom fit ses prouesses sur la scène de “la crème du slam”. Il a fermé les clapets avec le Break dance. C’était la reconversion, cette fois-ci, il fit son entrée sur scène avec le mic (micro). Comme notre cher Ekuevi aime se démarquer de la masse, il interpréta une chanson dont la thématique différait de celles des autres artistes présents sur cette scène.
C’est ainsi qu’il avait marqué son public avec un texte totalement différent et authentique. Les appréciations des uns et des autres, lors de sa prestation, lui ont permis de découvrir sa niche de prédilection.
En juillet 2011, il décida de participer au concours HOT JAM, où il décrocha le premier prix. Ce premier trophée a été, bien sûr, le fruit d’un énorme travail. En septembre de la même année, il obtint un second prix au Moov Summer. Lentement, mais surement, il a su s’imposer dans le showbiz.
En 2012, il réalise son premier clip « Adjoavi » grâce à l’opportunité qui lui a été offerte lors de sa victoire au HOT JAM. En effet, « Adjoavi » a lancé officiellement la carrière de Kaporal Wisdom. Pour lui, c’est avec ce titre que sa carrière a réellement décollé, voilà pourquoi il ne parle de 10 ans de carrière, mais plutôt de 10 ans de slam.
Sa première grande scène fut celle du concert M’frii organisé par l’ancienne compagnie de téléphonie Togotelecom. Son passage sur scène durant le concert a été fantastique.
Le public même a validé à la fin de ma prestation, tout le monde était debout, j’ai gâté le coin (rires). Il portait en lui la rage de prouver au public togolais ce qu’il était capable de faire. Il est clair que le coup a vraiment réussi. Et c’est ce qui a boosté sa carrière, de scène en scène, de trophée en trophée.
Dès le début de sa carrière en tant que danseur, Kaporal Wisdom avait le désir de faire passer des messages
Hélas ! il fallait changer de canal puisque le message qu’il voulait transmettre ne passait pas. Les gens ne comprenaient pas le message qu’on souhaitait véhiculer à travers la danse de révolution, d’engagement qu’on faisait.
En fait, avec la parole, Kaporal Wisdom s’est dit qu’avec la parole, les gens allaient mieux comprendre sa vision et y adhérer. Voilà pourquoi la majorité de mes textes portent sur la sensibilisation, sur l’éducation, sur la défense de certaines valeurs, sur la moralité, sur le patriotisme, sur la citoyenneté, sur le changement de mentalité.
Il souhaite que son art soit une exception, qu’il soit une solution à un problème donné afin de changer le monde.
À l’égard de l’environnement actuel togolais, la musique que fait Kaporal Wisdom a suffisamment d’impact. Pour sa part, ce n’est pas le fait que les gens chantent ses chansons dans les rues qui suffit à dire qu’il impacte, mais plutôt, c’est le fait que ses chansons contribuent à l’évolution de quelque chose. Si l’on se fie au nombre de remix qu’il a eu sur ses titres et aux retours de quelques citoyens dans les rues, nous pouvons affirmer avec fierté que sa musique à malgré tout de l’impact.
Aujourd’hui, je ne fais plus d’autres choses à part l’art. Je suis peut-être l’un des rares artistes qui vit de son art. J’ai fait de l’art ma passion et ma profession.
On ne pouvait ne pas faire cette interview sans faire mention de coup cœur « Demain, il fera beau ». Sortie en 2015, une chanson que beaucoup de Togolais affectionne. Selon l’artiste, ce titre a été rédigé avec de l’ironie. Kaporal faisait savoir qu’il s’agissait d’un rêve qu’il souhaitait voir se réaliser. L’évolution des infrastructures au bout de quelques années est assez remarquable. Il constate que son rêve est en train de se réaliser et cela lui procure une sensation de satisfaction.
Néanmoins, Kaporal Wisdom déplore énormément le fait que les initiatives en vue renforcer l’engagement social sont lésées. Très peu d’autorité se manifeste lorsqu’il s’agit de soutenir des évènements socioéducatifs à l’instar de la culture générale.
En ce qui me concerne, je suis sidéré parfois, quand on m’invite pour venir prester sur des événements, puis à la fin, on me tend un per diem au lieu d’un cachet digne de ce nom.
Comme il le dit lui-même : il est temps que les Togolais changent de mentalité et privilégient l’intérêt collectif au détriment de l’intérêt personnel, afin d’aboutir au changement que l’on souhaite pour notre patrie.
Kaporal Wisdom a son actif plusieurs singles et un album. Pour la petite confidence, il est en train de préparer un nouvel EP.
Plus on grandit, plus il faut faire les choses en grand. Alors pour ce nouvel EP, de grandes collaborations sont en tête d’affiche. Apprêtez-vous ! il y a du lourd qui arrive. Kaporal Wisdom vous donne donc rendez-vous pour la sortie officielle, le 27 avril 2023.
Comme tout bon parent, il est important de laisser un héritage, pas nécessairement matériel, mais symbolique. C’est dans cette optique que Kaporal Wisdom adresse son dernier single intitulé « Fiston » à son fils. Je suis en train de vieillir et il faudrait que je laisse un héritage à mes enfants. C’est pourquoi j’ai pensé à ce titre qui oriente tout jeune, pas seulement mon fils, mais aussi toute personne qui souhaite aller de l’avant.
Aussi étonnant que ça pourra vous paraitre, notre cher artiste évolue en autoproduction. Telle est l’une des difficultés auxquels Kaporal Wisdom fait face dans sa carrière musicale. Je travaille, je fais des économies et je me finance moi-même. Ce qui fait qu’il y a de la lenteur dans la sortie de mes singles. Je ne me suis jamais plaind parce que les bonnes choses prennent du temps pour se construire, mais elles ont un soubassement solide.
Être à la recherche d’un producteur, ne fait pas partie des plans de Kaporal Wisdom. Il préfère encore s’autoproduire, plutôt que d’avoir un producteur qui viendra lui imposer une vision qui va à l’encontre de la tienne.
Ma plus grande fierté sera de mourir la paix au cœur (rires).
Pour lui, la réussite dans la vie, c’est de pouvoir atteindre une certaine dignité. En gros, il faut dire sa plus grande satisfaction à lui, c’est de savoir que tout togolais puisse être fier de son pays parce qu’il vit pleinement de ce qu’il fait et qu’il est récompensé à sa juste valeur.
Des artistes, on en croise tout le temps, mais Kaporal Wisdom reste un artiste particulier par son implication active dans le social. Il est le président de l’Association Culturel pour l’Éducation et le Social en Afrique (ACES-AFRIQUE). Le principal objectif de cette association est de venir en aide aux enfants défavorisés.
Ça va faire 4 ans maintenant que nous offrons des fournitures scolaires aux enfants à chaque rentrée. Nous offrons des repas aux enfants chauds pendant les moments de fête de fin d’année et nous menons aussi d’autres actions à l’endroit de ces enfants, dans la mesure de nos moyens.
En dehors de sa vie d’artiste et de président d’association, Kaporal Wisdom est responsable de la boutique ANYOSHOP, une boutique spécialisée dans la vente des accessoires vestimentaires. Il est également Chargé des arts et de la culture à l’Université de Lomé.